Pourquoi les Belges sont (encore) déçus : L’Expectancy Disconfirmation Theory à la rescousse
- Vincent Lapunzina
- 4 févr.
- 3 min de lecture

À chaque nouveau gouvernement belge, on pourrait croire que la révolution est en marche : promesses tape-à-l’œil, espoirs de grands chamboulements, et journalistes en transe qui guettent la moindre réforme. En pratique, c’est un peu comme recevoir pour Noël cette machine à pop-corn dernier cri dont on rêvait : on l’essaie plein d’enthousiasme, et puis on se rend compte qu’on va probablement la ranger au fond d’un placard. Ainsi va la vie politique belge, où l’excitation initiale laisse vite place à un brin de désillusion. Pour décrypter ce cycle sans fin, bienvenue dans l’univers de l’Expectancy Disconfirmation Theory (EDT).
Cette théorie, originaire du marketing et de la psychologie, part d’un constat simple : on se fait une montagne d’attentes (souvent exagérées), puis on compare la réalité à cette montagne et on se rend compte que, parfois, c’est plutôt une petite colline. En clair, plus on imagine un gouvernement parfait, plus on a de chances d’être déçu quand il dévoile ses projets de loi, ses arbitrages budgétaires et ses belles promesses un peu rabotées. Au fond, c’est comme commander chez McDonald en se basant sur la photo et ensuite être déçu de l'aspect réel du Big Mac.
La Belgique ajoute sa petite touche personnelle avec un ingrédient spécial : les coalitions. Comme aucun parti ne rafle la majorité, chacun doit se plier à un lot de compromis pour être aux commandes. Résultat : aucun électeur ne voit son parti préféré prendre la barre en solo. On se retrouve plutôt avec une joyeuse bande de partis (enfin joyeuse... y'en a quand même un dans la bande qui aurait préféré dynamiter la Belgique) qui s’entendent (tant bien que mal) pour gouverner, chacun devant avaler quelques couleuvres au passage. Forcément, le citoyen, s’il avait voté pour une réforme radicale ou un programme super-ambitieux, voit souvent ses espoirs se diluer dans l’art délicat du « compromis à la belge ». Tout le monde espérait 500€ en plus dans la poche et à la place ce sera plutôt travailler le dimanche et la nuit pour le même salaire tout en observant des migrants dormir dehors car les centres Fedasil auront fermés.
Dès les premières mesures, on se rend compte que la révolution attendue ressemble surtout à un grand recyclage de demi-idées. Les plus optimistes diront qu’« il faut du temps pour tout mettre en place ». Les plus pragmatiques hausseront les épaules en soupirant. En marketing, on parle de « disconfirmation négative » : nos attentes étaient hautes, la réalité est plus basse, et la déception est proportionnelle à l’écart. Même si cette fois, on peut ajouter une peur réelle de déshumanisation.
Au bout de quelques mois, chacun se fait une raison. Les Belges, habitués à ce numéro, oscillent entre résignation et humour, l’arme fatale pour encaisser sans trop se faire de bile. Certains aficionados de la politique guettent tout de même l’apparition d’une mesure courageuse, telle une licorne rare dans le paysage parlementaire. Les autres cultivent un cynisme tranquille, persuadés qu’on ne peut pas vraiment faire évoluer ce système.
Et pourtant, l’EDT laisse la porte ouverte à de bonnes surprises. Si, par extraordinaire, un gouvernement dépassait ses promesses ou, au moins, les honorait sincèrement, on pourrait assister à un moment de grâce collective. Cela demanderait, il est vrai, une union sacrée, une répartition des rôles claire et, sans doute, un ou deux miracles législatifs. Ne retenons pas notre souffle trop longtemps : la Belgique a beau être un pays surréaliste, elle a rarement brillé par ses pirouettes révolutionnaires.
Quoi qu’il en soit, si vous vous sentez déjà découragé, rassurez-vous : dans moins de cinq ans (sauf gros remue-ménage), on remet ça ! Les joies des nouvelles promesses, les tractations nocturnes, les alliances improbables… Notre grand manège politique se relancera alors, avec la même ferveur et, qui sait, quelques rebondissements inattendus. Après tout, c’est un peu comme une série télé : tant que le public est au rendez-vous, les scénaristes (pardon, les politiques) n’ont aucune raison d’arrêter, sauf nous basculons en dictature totale sous cette legislature.
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